Droit de la Construction : les dommages aperçus après la fin de la garantie décennale mais issus de la construction peuvent-ils être couverts par cette dernière ?
La Cour de Cassation a eu l’occasion de répondre à un problème d’importance en droit de la construction, à savoir : si le constructeur garantit les dommages de constructions dans les 10 ans de la fin des travaux, en est-il de même pour les dommages évolutifs au delà des 10 ans mais qui prennent leur sources dans les dommages initiaux ?
La Haute Juridiction, dans la lignée de sa jurisprudence antérieure a de nouveau répondu par la négative dans une décision du 20 mai 2015, publié au bulletin de la Cour de Cassation.
La Cour a affirmé ceci :
« Mais attendu qu’ayant constaté que si le rapport de consultation établi le 28 mai 2013 confirmait les défauts d’exécution déjà mis en évidence par l’expert judiciaire, à cette date, aucun dommage par infiltrations à l’intérieur des locaux n’avait été constaté et que M. et Mme X … ne démontraient pas que les défauts d’exécution affectant la couverture de leur maison se fussent traduits par un dommage de nature décennale au cours de la période comprise entre le 12 octobre 2002 et le 12 octobre 2012, la cour d’appel a pu rejeter les demandes formées à l’encontre de la société Axa »
Les maitres de l’ouvrage (les acquéreurs) relevaient pourtant justement dans leur pourvoi deux arguments très pertinents, à savoir :
- 1°/ que relève de la garantie décennale les désordres qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination ; que la cour d’appel était saisie de la question de savoir si les défauts d’exécution de la toiture de la maison de M. et Mme X…, dont elle a constaté la réalité, présentaient un tel caractère ; qu’en l’excluant pour la seule raison qu’un autre désordre, indépendant du premier, à savoir des infiltrations, ne s’était pas produit, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil
- 2°/ que l’impropriété à sa destination d’un ouvrage doit s’apprécier en fonction de la qualité recherchée par le maître de l’ouvrage ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si M. et Mme X… n’avaient pas investi une somme élevée pour disposer d’une toiture de très bonne qualité, de sorte que les malfaçons, dont elle constatait la réalité, montraient que l’ouvrage était impropre à sa destination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792 du code civil.
En effet, si l’on se place du point de vue des acquéreurs, payer une toiture onéreuse pour qu’elle soit de bonne facture, pour au final constater que les dommages résultent de malfaçons présentes depuis la construction, peut paraitre indemnisable.
Indemnisable, certes, mais dans le cadre de la garantie décennale.
Dès lors tout dommage relevé hors du cadre de ce délai n’est pas indemnisable sur ce fondement, même si le dommage est issu de ce délai.
Cette solution, favorable aux constructeurs, permet d’encadrer strictement leur garantie décennale et de sécuriser le marché puisqu’un constructeur est assuré de ne pas voir sa responsabilité engagée au delà de ce délai, et ceci indéfiniment.