Du mode de preuve de la propriété d’un immeuble
Si les juges du fond (première instance et Cour d’appel) jugent les faits et le droit, tel n’est pas le cas pour la Cour de cassation, uniquement juge du droit. Cela explique pourquoi la Haute Juridiction ne constitue pas un 3ème degré de juridiction mais bien un juge (en vérité multiple) d’une autre dimension.
Cette souveraineté de liberté de cassation des arrêts qui sont soumis à son appréciation induit un pendant à ce pouvoir : la Cour de cassation ne peut pas apprécier les faits d’une espèce, ou, tout du moins, elle doit s’en remettre à l’appréciation effectuée par les juges du fond.
Dès lors, une appréciation factuelle ne peut être remise en cause par la Cour de cassation.
Concernant la matière immobilière, il est vrai que la question de preuve peut parfois être épineuse, nous gardons rarement tous nos actes de propriété, et les études notariales ne sont pas toujours multi-séculaires. La preuve en matière immobilière est par principe libre.
Mais est-il possible de prouver sa propriété immobilière avec de simples attestations ?
Voici la question à laquelle la Cour de cassation a été amenée à répondre dans une décision du 14 avril 2016.
La 3ème chambre civile de la Cour de cassation a en effet admis comme mode de preuve de la propriété immobilière des « attestations établies » dont il résultait que les personnes concernées avaient « occupé les lieux objet du litige pendant trente ans, à titre de propriétaire, de façon continue, paisible, publique et non équivoque et qu'elle avait manifestement eu seule la possession de ce bien »
Attention cependant, la Cour de Cassation n’apprécie pas les considérations factuelles de l’espèce mais les admet telles qu’établies par la Cour d’appel, puisque comme évoqué précédemment, la Cour de cassation n’est pas le juge des faits.
Dès lors, l’admission d’attestations a permis de faire démarrer régulièrement le délai de prescription acquisitive ou usucapion, qui est le fait d'acquérir juridiquement un droit réel que l'on exerce sans en posséder de titre, après l'écoulement d'un certain délai du droit commun d’actuellement 30 années, pendant lequel toute personne peut le contester ou le revendiquer en justice.
Une fois ce délai de prescription écoulé sans contestation, l’occupant devient alors propriétaire par prescription acquisitive.
« Mais attendu qu'ayant retenu souverainement qu'il résultait d'attestations établies par Mme A..., Mme B... et M. Thomas C..., d'une part, qu'Hélène Z..., auteur des consorts X..., avait occupé les lieux objet du litige depuis 1960 et pendant trente ans, à titre de propriétaire, de façon continue, paisible, publique et non équivoque et qu'elle avait manifestement eu seule la possession de ce bien, d'autre part, qu'elle avait fait expulser des parents de Mme Etiennette Y... et que sa fille, Elia Z..., qui se considérait comme propriétaire de la maison litigieuse avait également agi comme tel et procédé à la location des lieux, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'actes matériels de possession, a légalement justifié sa décision »
Décision in extenso :