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La perte de chance

Le 29 novembre 2015
Analyse de deux décisions de la Cour de cassation concernant un mesureur d'appartement et un diagnostiqueur termites

Civ 1ère 28 jan. 2015 n°13-27397 :

Les faits sont les suivants :  la responsabilité d’un mesureur d’appartement a été engagée suite à la vente effectuée consécutivement à cette mesure. En effet, ultérieurement a été constaté un déficit de 5,5% de la surface annoncée dans le contrat de vente. Cette vente est couverte par la loi Carrez de 1996 : lorsque la surface de la vente est > 1/20ème (5%), le vendeur est tenu à restituer une partie du prix correspondant à la surface imputée inexistante. Le vendeur a appelé en garantie le mesureur en question, qui avait objectivement mal fait son travail. 

Le mesureur a été condamné à indemniser le vendeur de sa perte de chance de vendre le bien au même prix, malgré la différence de surface. 

Le pourvoi se fondait sur une jurisprudence Civ 3ème 11 sept. 2013 : le vendeur ne peut obtenir de la part du mesureur, sous couvert de l’indemnisation de son préjudice le remboursement de la diminution du prix de vente : elle est à la charge intégrale du vendeur. La Cour de Cassation a rejeté le moyen, validant la décision de la CA sur la perte de chance en énonçant : 

« ayant retenu à bon droit que, si la restitution à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi (…) ne constitue pas par elle même un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut se prévaloir à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné d’une perte de chance pour le vendeur de vendre le bien au même prix pour une surface moindre ». 

 

Il s'agit cependant d'un revirement atténué : il confirme qu’il n’y a pas de préjudice pour le vendeur dans la restitution d’une partie de prix constitutive d’une différence de mesure. 

 

Cette décicion fait écho à la responsabilité notariale : le vendeur tenu à restitution du fait d’une erreur du notaire (obligation d’information notamment) ne constitue pas un préjudice réparable non plus : Civ 1ère 13 oct. 1999. 

 

Cette décision du 28 janvier 2015 doit être distinguée à plusieurs égards : 

 

* Perte de chance pour le vendeur d’obtenir un prix supérieur ou équivalent en tenant en compte cette réduction due : si la vente de l’appartement a été faite à la mesure, on voit mal comment il pourrait y avoir pour le vendeur une perte de chance d’obtenir plus. Il ne saurait y avoir de préjudice, y compris de perte de chance pour le vendeur. Pour la majorité des autres cas, d’autres critères de choix de l’appartement : le vendeur aurait pu peut-être vendre le bien à un prix au moins identique qu’au prix finalement vendu en occultant la restitution de la différence. 

On peut s’interroger sur l’aléa qu’il y a dans cette perte de chance : le vendeur a déjà vendu son bien, le mesure n’intervient qu’au moment de la constitution de l’acte. 

 

* Ensuite, la Cour de Cassation nous dit que la restitution ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable : la mise en oeuvre de l’art 46 qui oblige le vendeur à rembourser une partie du prix à l’acquéreur n’est pas indemnisable. Comment la perte de chance de vendre à ce même prix pourrait-elle être indemnisable ?

Il y a un bien un préjudice indemnisable, simplement ce n’est pas l’intégralité de la partie de prix reversée mais simplement une perte de chance d’obtenir cette partie du prix.

 

* Autre problème dans ce régime global du problème de la surface de l’appartement : il peut paraitre logique de considérer qu’il y a un préjudice pour le vendeur à reverser une partie du prix si erreur du mesureur. La perte de chance parait logique, même s’il n’y a pas vraiment d’aléa, permet surtout de palier l’incertitude sur la revente potentielle. 

 

Le problème se trouve dans la loi Carrez elle-même, non dans la jurisprudence : le vendeur aurait sans doute pu revendre au moins à ce prix. Mais n'est-ce pas le cas pour l’acquéreur ? Si ça se trouve, l’acquéreur aurait payé le même prix lui-même pour cette surface. 

Il y a dans cette loi une volonté de défendre les acquéreurs au détriment des vendeurs. La Cour de Cassation, en choisissant d’indemniser au moins par le biais de la perte de chance le vendeur de la faute du mesureur a fait ce choix : il s’agissait de rééquilibrer le choix très automatique de la loi Carrez qui a déséquilibré les rapports entre les parties. 

 

Paradoxalement cet esprit infuse une décision en sens contraire : 

Chambre Mixte 8 juillet 2015 n°13-26686 : cas d'un diagnostiqueur technique : il intervient au titre de l’art L471-4 du code de construction des habitations. Oblige le vendeur à faire procéder à un diagnostic technique, notamment termite : diagnostique termite. Le diagnostiqueur s’était trompé en sous-évaluant l’impact termite. Travaux pour 38 000 € : ils ont assigné le diagnostiqueur en réparation de leurs dommages concernant les travaux. Ce fut l’assureur responsabilité civile professionnelle qui a pris le relai : il s’est battu sur le quantum de la responsabilité et non sur le principe même. 

Il considérait que « les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil (en principe contractuel, mais ici 3 personnes, la responsabilité délictuelle pouvait être évoquée) ne pouvait s’analyser que en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait pris le créancier d cela décision d’information et des avantages qu’il aurait pu obtenir ne sont pas établis d’une manière certaine » : pas une question d’une perte de chance, mais il y a lieu d’effectuer une réparation intégrale du dommage

 

Pour la CA et pour la Cour de Cassation, la réparation des opérations d’entretien et de réparation techniques des acquéreurs pour l’intégralité de l’acquéreur. Pourtant le diagnostiqueur n’était pas passé totalement à coté des termites, il avait simplement sous-estimé leur importance. Pourtant il y a bien eu remboursement de tous les frais induis par le traitement intégral de l’immeuble. 

 

La Cour de Cassation avance que le dommage est certain et qu’il doit être réparé. Mais même incertain n’entraine pas une perte de chance : il y a certitude d’un dommage consistant dans une perte de chance. Comme l'a annoncé la Civ 1ère le 21 nov. 2006 : « la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ».  

3 moyens ont été posés  

  • Garantir l’acquéreur contre un risque : la diagnostiqueur a sous-estimé le risque. 
  • responsabilité engagée du fait de la non conformité aux normes : le justiciable parle de perte de chance, la Cour de cassation répond mauvaise exécution contrat diagnostic : on lui dit dommage, la Cour de Cassation répond faute.
  • garantir les préjudices matériels de jouissance : s'agit-t-il d'un préjudice d’une perte de chance ou d'une intégralité de préjudice ? 

 

Ces 3 moyens sont insuffisants pour écarter la perte de chance. 

 

Un terme est pertinent : le terme garantir. Fait du diagnostiqueur l’assureur intégral de l’acquéreur pour tout risque qu’il pourrait constater, même s’il a constaté partiellement ce risque.  

 

La Cour de cassation fait donc la faveur de la victime : c’est ici l’acquéreur (contrairement au cas précédemment : le vendeur). 

 

Mais cette décision a été rendue en chambre mixte puisqu'il y avait une divergence de chambre : Civ 1ère considéraient qu’il y avait une perte de chance pour la victime d’acquérir à un meilleur prix constatant la présence de termites, et la 3ème considérait qu’il n’y avait pas d’aléa : préjudice certain, on pouvait s’appuyer sur la perte de chance pour calculer le quantum de la réparation. 

 

La solution se trouve sur le thème de la perte de chance : 

La doctrine minoritaire énonce il ne peut pas y avoir de perte de chance dès lors que le responsable a exposé la victime à un risque, qu’elle ne l’a pas permis un gain ou évité une perte : puisque le dignostiqueur a sous-estimé le risque (dommage consistant à la présence de termites dans leur bien). Le diagnostiqueur a exposé les victimes au risque de payer trop cher le bien.

Il y avait effectivement une perte de chance d’acquérir le bien à un moindre prix. La Cour de Cassation ne devrait pas rester sur cette décision de la chambre mixte. Patience donc pour une décision qui énoncerait une jurisprudence claire et constante.