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La responsabilité dans le cadre des pourparlers : actualité des articles 1111 et 1112 du projet de réforme du droit des obligations

Le 28 octobre 2015
La responsabilité dans le cadre des pourparlers, domaine principalement jurisprudentiel va sans aucun doute être codifiée au sein des articles 1111 et 1112 de ce projet de réforme

 

La responsabilité dans le cadre des pourparlers, domaine principalement jurisprudentiel, va sans aucun doute être codifiée au sein des articles 1111 et 1112 du projet de réforme du droit des obligations. 

 

Ces articles codifient le droit jurisprudentiel actuel, il s’agit donc, dans ce domaine, d’une réforme à droit constant, en le rendant plus intelligible puisque dorénavant codifié. Voici ces fameux articles : 

 

Art. 1111

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. 

Ils doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi.

La conduite ou la rupture fautive de ces négociations oblige son auteur à réparation sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.Les dommages et intérêts ne peuvent avoir pour objet de compenser la perte des bénéfices attendus du contrat non conclu ».

 

Art. 1112

« Celui qui utilise sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité extracontractuelle ».

 

Ces articles rappellent une règle déjà posée, à l’art 1102 du projet :

 

Art. 1102.

« Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.

Toutefois, la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public, ou de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportionnée au but recherché. »

 

Ceci est l’écho d’une jurisprudence très classique qui résume le principe de la liberté contractuelle : on entre en négociation comme on le souhaite, et en ressortir tout autant. 

 

La liberté des négociations, préalable indispensable à la liberté contractuelle n’implique pas pour autant une liberté totale. En pratique la jurisprudence des juges du fond démontrent une réticence des juges à tirer toutes les conséquences de cette maxime. On voit souvent des sanctions de parties qui ont maladroitement participé à ces négociations. La Cour de Cassation a donc encadré ces libertés précontractuelles.  

 

Il faut que les négociations se déroulent dans un cadre loyal. Les obligations précontractuelles doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi. 

 

Attention à la différence entre bonne foi et loyauté : le critère de la bonne foi est retenu par la jurisprudence actuelle : le législateur aime cette expression car la bonne foi est un marqueur du droit français. Simplement dans la jurisprudence actuelle part à rebours du principe de liberté contractuelle. C’est de ce principe que la jurisprudence tire ensuite les limites. Au lieu d’utiliser les critères de la bonne foi, la jurisprudence utilise ceux de l’abus de droit : cette dernière part donc à la recherche de critères négatifs au lieu de critères positifs. 

 

La notion d’abus de droit n’est pas beaucoup plus claire que la bonne foi. Il existe 3 grands types d’abus que la Cour d’Appel, sous le contrôle de la Cour de Cassation, applique :

 

  • L’intention malicieuse de celui qui aurait provoqué un dommage. Critère strict, sévère. 
  • Le comportement dolosif (donc pas simplement à l’intention qui est subjective, comportement beaucoup plus objectif)
  • La légèreté blâmable depuis 1965. La Cour de Cassation accepte que les CA sanctionnent les ruptures de libertés contractuelles faites avec une légèreté blâmable. 

 

Le concept d’abus de droit est nécessairement flou : la bonne foi ne s’accorde absolument pas avec le critère de la légèreté blâmable. Cela permet de sanctionner un comportement dont les juges du fond n’arrivent pas à déterminer s’il s’agit d’une intention malicieuse ou si ce comportement est suffisamment grave pour qualifier le caractère dolosif. 

 

Dans un Arrêt du 12 octobre 1993, la Cour de Cassation a choisi d’écarter la mauvaise foi comme critère trop exigeant pour retenir celui de la légèreté blâmable. 

 

Il convient alors de se demander si le critère de la bonne foi n’est peut être pas le bon. Cette notion trouve notamment sa source dans le projet Terré. Elle sanctionnait l’absence de l’intention de parvenir à un accord : les négociations étaient abusives, blâmables, dolosives. 

 

La proposition du code européen des contrats était un peu à l’opposé de ce système : elle proposait d’analyser la confiance raisonnable que l’autre partie, la victime, avait entretenue à l’égard des négociations. 

 

La jurisprudence actuelle utilise en réalité le plus souvent une analyse objective, ou du moins une analyse qui se fonde sur la victime de la rupture. 

 

Au contraire, le projet se propose de renverser la perspective en utilisant le critère de la bonne foi, et propose donc d’analyser l’attitude de l’auteur de la rupture. 

 

Il peut être très compliqué de montrer l’intention cachée derrière l’intention de rompre les négociations, on peut se demander si le critère de la bonne foi est donc bien choisi. 

 

La 2ème règle précisée par l’art 1112 du projet est celle-ci : les infos confidentielles partagées durant les négociations sont protégées contre l’utilisation que pourrait en faire le partenaire des négociations

 

Là encore cet article reprend la jurisprudence en droit constant. Voilà pourquoi c’est souvent le droit français qui est utilisé dans le cadre de négociations (dans d’autres droits, notamment anglo-saxons, il conviendra de contracter des contrats de négociation pour se protéger). 

 

Mais cet article 1112 pose 2 questions : 

  • Qu’est ce que l’information confidentielle ? Elle peut en être une aux yeux de l’un et non aux yeux des autres. Le droit américain appelle ainsi à contracter sur le contenu des informations qui ne peuvent pas être divulguées.  
  • Qu’est ce qu’utiliser une information ? Laisser filtrer dans la presse ? Divulguer à un concurrent ? Si cette information est vendue on imagine que l’information est utilisée, mais si elle n’est pas vendue ? 


Quant au choix du régime de responsabilité (2ème phrase de l’article 1111) : le législateur a fait le choix de la responsabilité extracontractuelle. Là encore il s’agit d’une jurisprudence actuelle à droit constant. 

Cet article n’impose pas non plus un régime obligatoire. Les contrats de négociation s’il étaient rompus ouvriraient droit à une obligation en responsabilité nécessairement contractuelle

 

Concernant le dommage de l’article 1111 : les dommages ne peuvent être réparés des pertes de bénéfices attendus du contrat non conclu : ce principe est issue de l’arrêt Manoukian (Com 26 nov. 2003). Ni sous l’angle de la perte de chance d’ailleurs. 

 

Seuls peuvent être réparés les frais engagés par les négociations comme les études préalables opérées par une partie. On peut également ajouter toutes les dépenses faites par une partie dans la certitude que le contrat allait être conclu, tout comme les dépenses faites en perspective de la réalisation du contrat.